Quatre parcours de vie. Quatre témoignages. Vanessa, Clara, Anne-France et Zaynab racontent leurs difficultés mais aussi ce qui les motive. Rencontrées à l'occasion d'un traitement intensif ou d'une consultation au Centre de référence constitutif des maladies vasculaires rares de l'hôpital St Eloi de Montpellier, elles partagent leurs expériences à l'occasion de la Journée mondiale du lymphoedème du 6 mars.
VANESSA
Lyonnaise, 45 ans. Atteinte d’un lymphœdème primaire à la jambe droite, apparu et diagnostiqué il y a vingt ans, elle jongle entre ses trois filles, son travail et le sport.
CLARA
Elève en terminale au lycée Vauvenargues à Aix-en-Provence. Elle a 17 ans et vit avec ses parents, Nathalie et Olivier, et son grand frère Lucas n’est jamais bien loin.
ANNE FRANCE
Elle habite à Montélimar, dans la Drôme. Elle a 49 ans. Son lymphoedème a été diagnostiqué alors qu’elle avait 19 ans. Il a chamboulé sa vie.
ZAYNAB
34 ans, elle vit dans les Bouches-du-Rhône. C’est lorsqu’elle a accouché à 18 ans que son lymphoedème primaire sur les deux jambes est apparu.
« Le sport est vital pour moi ! »
« Mon lymphoedème est apparu il y a vingt ans, d’un coup sans raison. Ce qui m’aide aujourd’hui, c’est le sport. Je fais de la gym, du stretching, de la natation, du vélo et de la marche. J’ai besoin de ça, je crois que mentalement c’est ce qui m’aide le plus. J’en fais 4/5 heures par semaine selon la durée de la marche. Le lundi, c’est gym. Relaxation & étirement le jeudi. Le dimanche matin, je vais nager et dimanche après-midi, je marche !
Le sport est vital. Si je ne travaillais pas, peut-être que j’en ferai encore plus ! Mais cela fait déjà pas mal. J’ai trois filles et je travaille, ça fait beaucoup à gérer. Cette maladie est très contraignante. Il y a mes bandages, mes bas de contention tous les jours, j’ai ma botte la nuit. Enfin, voilà, cette pathologie n’est quand même pas simple à gérer et il n’y a pas 36 façons de s’évader de tout ça. Il y a des moments où le moral est en haut, puis en bas. Il est apparu dans ma vie il y a vingt ans, donc j’ai appris à vivre avec. Au début, ça a été long mais maintenant je crois que je l’ai complètement intégré, il fait partie de moi tout comme ma séance hebdomadaire de drainage lymphatique avec mon kiné.
Mes traitements intensifs
Pendant une période, j’y allais chaque année. Je suis de Lyon, j’en ai donc fait 2 à Mâcon, 3 ou 4 à Lyon lorsqu’ils ont ouvert un Centre, puis je suis venue ici, à Montpellier.
Mon message aux autres patients
Ce qui fonctionne pour moi, c’est le sport, parce que ça me libère la tête, ça me fait du bien au corps, ça me fait du bien à la jambe. C’est mon truc à moi, c’est mon échappatoire, c’est ça qui me fait du bien !
Entourant Vanessa, une partie des kinésithérapeutes du service lymphologie avec de gauche à droite : Maria de la Santos Donoso Izquierdo, Arthur Saysset, étudiant en 4e année, Patricia Marquez Cardenas et Stéphanie Poinsignon, étudiante en 4e année.
« Ma maman, mon papa et mes amis m’aident à me sentir bien »
Le lymphœdème de ma jambe gauche est survenu après ma deuxième opération en 2019, lorsque les médecins m’ont enlevé le matériel posé lors de la première opération (fracture du fémur). Au bout d’un mois, ma jambe avait beaucoup gonflé. Nous sommes allés voir un médecin qui nous a expliqué que l’opération avait probablement déclenché le lymphœdème primaire parce que mon système lymphatique était fragile. Le plus dur a alors été de passer d’une jambe normale à une jambe plus grosse. Au début, c’est compliqué car il faut trouver comment s’habiller, la jambe ne rentre plus dans les Jeans. Et puis ça fait mal, quand même. Heureusement j’ai toujours été très entourée par maman et papa. Ils ont toujours été là pour m’accompagner à tous mes rendez-vous (il y en a beaucoup). Ils m’ont aidé à mettre en place les traitements, à mettre mes bottes... Enfin, même au début quand ça me faisait très mal, maman restait avec moi les nuits. Au début, ça ne me plaisait pas trop quand la jambe n’était pas très belle, j’avais un peu peur du regard des autres. Finalement tout s’est très bien passé. J’ai toujours été à l’aise pour aller au lycée et j’ai de bons amis avec qui je me sens bien. Ça m’aide beaucoup. Et puis j’ai croisé de belles personnes. J’ai toujours eu de supers médecins et kinés avec qui je m’entends bien. Ça m’aide à aller chez la kiné deux fois par semaine ! Je sais que je vais passer un assez bon moment à discuter parce que je m’entends bien avec elle, ça donne un peu plus envie d’y aller !
Mes traitements
C’est la première fois que je suis un traitement intensif pendant trois jours et dès les premières 24 heures, j’ai perdu 0,5 centimètre. C’est magique ! J’ai aussi fait une cure à Argelès-Gazost. Une semaine l’été dernier et deux à La Toussaint. Là aussi, j’ai vu les effets que les soins ciblés avaient sur ma jambe. Elle était plus légère. J’ai perdu des centimètres et en repartant j’ai dû refaire un collant lymphatique adapté aux nouvelles mesures. Il m’aide à avoir une jambe plus légère, moins gonflée.
Mon message aux autres patients
Avec maman, j’essaye d’aller nager une fois par semaine. Je fais du vélo. Il y a certains exercices encore un peu compliqués, par exemple les étirements parce que ma jambe n’est pas encore très souple. En plus de tout ça, j’essaye les médecines douces. J’espace les séances parce que même si elles me font du bien elles me fatiguent aussi. J’ai fait une dizaine de séances d’acupuncture espacées d’un mois. Pendant 24/48h, ma jambe réagissait un peu, puis je gagnais en souplesse et en légèreté. Aujourd’hui, je fais de la réflexologie une fois par mois et un massage drainant du corps une fois par mois. Ces séances m’aident à me sentir mieux. J’ai réalisé que lorsqu’on met en place des choses, ça aide et ça motive. Je vois les effets !
"On est tous ensemble. Clara ne reste jamais seule. On est toujours là pour l’aider à faire un bandage lorsqu’elle n’a plus envie ou qu’elle est fatiguée. Il y a en a toujours un parmi nous qui est moteur." Nathalie, maman de Clara
« Le travail est primordial pour moi »
J’étais au lycée lorsque les premiers symptômes sont apparus. Ma cheville était enflée mais je ne m’en suis pas occupée. Dès le début de mes études, mon pied s’est vraiment mis à gonfler. Les premiers temps ça ne m’inquiétait pas. Mais rendez-vous après rendez-vous, la réalité s’est imposée à moi : j’avais un lymphoedème primaire du membre inférieur droit et c’était définitif. Lorsque j’ai compris que mon rail n’était plus possible, je me suis effondrée. Ça a été dur de me dire que je devrais vivre avec ça. J’avais 20 ans. Mon parcours de vie a été chamboulé. J’avais commencé un BTS tourisme, je voulais voyager et accompagner des touristes. Cette option n’était plus envisageable car inimaginable de rester debout. Mes rêves se sont envolés.
Cela fait trente que je vis avec. Je me débrouille mais il y a des phases… Aujourd’hui, je fais du yoga, c’est mon truc à moi, ça mobilise bien mon corps. Je marche aussi. Mais ce qui m’a stabilisé, c’est mon travail. J’ai passé un concours pour devenir fonctionnaire. Je suis secrétaire dans un établissement scolaire. Je vois du monde. Il y a une interaction avec les gens qui m’entourent. Travailler m’aide à ne pas penser à mon œdème (ressasser la maladie ne m’intéresse pas). Pendant longtemps, le regard des autres sur moi a été compliqué. J’essayais de trouver des combines pour cacher ma jambe. Ça ne fait qu’une quinzaine d’année où je vais mieux. Avant, j’avais honte. Par rapport à mon image, c’était compliqué. Socialement, je me suis renfermée. A cause du regard des autres, je me suis interdite de piscine pendant des années ! En réalité, personne ne nous regarde. Et quand bien même, au bout d’un moment, j’ai réussi à en faire fi. Être volontaire m’a aidé à passer des étapes.
Mes traitements
J’étais suivie par une kinésithérapeute. Elle est partie à la retraite. Ce sera compliqué d’en trouver un bien formé aux soins. Je ne m’en suis pas encore occupée… Je vais demander conseil à l’Association vivre mieux le lymphoedème de Montpellier (AVML). Du côté des contentions, j’en avais une qui me convenait parfaitement, mais elle ne se fait plus. Lorsque je l’ai appris, ça été un choc de plus. J’ai beaucoup de mal à en trouver une nouvelle (j’en suis au 6e essai à la pharmacie). Et le reste à charge, ce n’est pas rien !
Mon message aux autres patients
Ce qui m’a manqué c’est un soutien psychologique. Je ne l’ai pas fait à l’époque et je le regrette. Malgré le lymphoedème, malgré mes érysipèles, j’ai été dans le déni. Je me suis fait violence pendant des années pour ne pas le voir, ne pas le prendre en charge. J’ai mis des années à accepter de porter un bas de contention. C’est une leçon que je retiens : voir un psychologue aide à accepter le handicap, à accepter cette « anormalité » et à avancer. Même un groupe de paroles m’aurait aidé. Aucun médecin ne m’en a jamais parlé. Ils devraient inciter les patients à se tourner vers un réseau ou un professionnel pour trouver un soutien. C’est tellement important ! Faire tout, tout seul, a ses limites.
« Il faut faire ce qu’on aime et ne surtout pas se freiner ! »
Je venais d’accoucher de mon premier enfant. J’avais 18 ans. Mes jambes avaient enflé. Je pensais que c’était lié à la grossesse. Que ça allait partir. Mais non. C’est resté. Mon lymphoedème bilatéral était bien là. Il a fallu une dizaine d’année pour qu’il soit diagnostiqué et traité. Au début, ça a été compliqué sur le plan professionnel. Il faut s’organiser. Ce n’est pas forcément ni ce qu’on attend ni ce qu’on voudrait dans la vie. On n’arrive plus à se chausser et quand on fait un travail qui demande une certaine condition physique, ce n’est pas facile. C’est aussi surtout une question d’esthétique. C’est difficile de perdre une partie de sa féminité (chaussures fines, à talon etc.). Ça met un bon coup au moral mais après, il faut s’y faire. Le sport en revanche ne pose aucun problème : si on aime, on peut en faire très facilement. C’est ce que je fais régulièrement. Yoga, marche nordique, course à pied, fitness, Hit, il n’y a pas de frein au sport et ça fait vraiment du bien. C’est aussi un bon moyen qui nous permet d’accepter sa maladie. Là où ça peut créer un déséquilibre, c’est sur le plan émotionnel. C’est au niveau du physique, de la féminité, que c’est compliqué. Cela ne m’a pas empêché d’avoir une deuxième grossesse (éclats de rires). On sait que c’est une maladie qui demande du temps. Et ce n’est pas forcément ce que l’on a lorsqu’on travaille et qu’on est maman et qu’on sait que ça va durer toute notre vie. Parce qu’on sait bien qu’’il n’y a pas d’autre solution que de faire des bandages et des drainages. Mais la vie continue !
Mes traitements
C’est la première fois que je viens ici pour suivre un traitement intensif (de quatre jours). Je le conseille car on s’occupe très bien de nous. En plus, ça nous permet de voir comment les bandages sont faits et d’apprendre les techniques pour pouvoir le faire à la maison. Il y a aussi des massages que l’on peut faire seul. Ça aide à comprendre ce que l’on a, comment ça fonctionne et comment on peut agir soi-même.
Mon message aux autres patients
Il faut rester actif. Faire ce que l’on aime. Ne pas se freiner. C’est valable aussi pour les enfants atteints de lymphoedème. Il ne faut surtout pas les freiner dans ce qu’ils aiment faire voire même plutôt les encourager, les accompagner et leur dire que la vie continue même si on a cette maladie-là.
Dans l’unité de lymphologie, Maria de la Santos Donoso Izquierdo, kinésithérapeute, et Arthur Saysset, étudiant en 4e année, en train de prodiguer des soins à Zaynab.
Propos recueillis par Laurence Toulet Delaporte